En conclusion…
L’avènement de l’ « ère Obama » promettait faire entrer l’Amérique dans un âge post-racial, c’était du moins le discours prôné par la nouvelle élite noire et l’administration Obama.
Force est de constater que cette vision s’est heurtée à de fortes tensions et coexiste aujourd’hui avec un autre discours, plus conservateur, plus radical.
L’Histoire américaine semble en ce point présenter une certaine circularité[1] lorsqu’il s’agit d’évoquer les relations raciales (pour afficher les notes en bas de page, veuillez cliquer ici).
La question raciale revient au gré des évolutions culturelles, identitaires, politique et sociales. Les progrès aperçus lors de la Reconstruction, suivis de la longue période de ségrégation ; le mouvement pour les droits civiques qui a ouvert la voie à la guerre culturelle ; l’élection de Barack Obama, très vite éclipsée par la violence du Tea Party et par une partie de l’Amérique conservatrice faisant preuve d’un nationalisme agressif[2].
Le concept même d’identité nationale est au centre du débat. Une partie des américains ne se reconnaît plus dans les élites qui gouvernent le pays et souhaite un retour aux piliers fondateurs de l’Amérique : la bannière étoile, la Constitution, et la Bible ; un retour vers une Amérique pré-Obama, blanche et chrétienne, épurée des élites « si loin du peuple ».
La crise économique et le changement de paradigme, en ce sens où un président noir insuffle une réponse nouvelle à la question raciale constituaient deux terreaux fertiles pour qu’une série de fractions et de groupes activistes émergent et se fassent les porte-voix d’une frange de la population conservatrice.
Les médias de communication de masse comme Internet ont favorisé l’organisation de ces mouvements et leur fédération autour des valeurs du Tea Party.
Comme nous avons pu l’exposer, le Tea Party n’est pas un parti politique classique mais un mouvement organisé pouvant interférer et influencer les affaires des partis organisés., un mouvement de contre-opinion cyber-diffusée, voulant avant tout le changement des élites et s’opposant à l‘establishment. Lors des élections de mi-mandat en 2010, le Tea Party a soutenu bon nombre de candidats républicains qui ont été élu et a également permis à des républicains teapartiers de s’imposer face à des candidats plus modérés, soutenus par le Parti lors des primaires.[3]
Le Tea Party, devenu un véritable label a merchandisé le politique. Le politicien est devenu une marque et les citoyens des consommateurs.
L’émergence du Tea Party a permis de conceptualiser la manifestation d’un réel consumérisme politique qui a entrainé une forme d’autonomisation de l’activisme politique : le politicien, vecteur de valeurs, connecté à ses électeurs, se devant de dialoguer avec eux de ses différentes propositions ; le politicien, évalué par ses électeurs en ligne, mis au pilori s’il dévie de la norme du label « Tea Party », elle même garante de valeurs.
Un sablier pourrait schématiser ce nouveau système de démocratie participative, les citoyens-consommateurs se trouveraient à la base et au sommet, les hommes politiques au centre, et le Tea Party entre les politiques et les électeurs. Une double pression pour le politique, ne pouvant dévier de son label et devant rendre des comptes aux électeurs.
Le rôle des médias est important dans le succès du mouvement teapartiesque puisque ce dernier bénéficie d’un soutien logistique et financier non négligeable et est fort présent dans le paysage audio-visuel américain. Les animateurs-prédicateurs officient dans des « églises-studios » et répandent leurs diatribes et la bonne parole auprès d’une population dans un certain malaise.
Ces émissions et plus globalement les différents médias acquis à la cause conservatrice répondent au besoin des partisans du Tea Party d’être rassurés et renforcés dans leur identité tout en exacerbant leur nationalisme. Le président Barack Obama est un bouc-émissaire tout trouvé car il se trouve à l’antithèse de ce qui est un vrai américain, selon les teapartiers : il est noir et musulman.
Les commentateurs-prédicateurs offrent également une autre vision de l’Amérique et ne se contentent pas de fustiger l’administration Obama en permanence. L’enjeu est de décrédibiliser les fondements mêmes du mouvement démocrate, quitte à remonter le temps, passer au crible les différentes réformes et les tenir pour responsables des maux de l’Amérique. L’exemple, que nous avons exposé, de la diabolisation à outrance de Franklin D. Roosevelt et de sa politique du New Deal, est frappant. Volonté délibérée de réécrire, de revoir, l’Histoire américaine qui n’arrange pas la frange conservatrice radicale afin de n’accorder aucun crédit à ses adversaires et encore moins aucune reconnaissance pour des solutions trouvées face à des moments de crise intense, transforme Roosevelt en « le pire des communistes » et Joseph McCarthy en véritable héros (même s’ils ne sont pas contemporains, l’association plait).
L’influence du Tea Party est certaine, elle a pu se mesurer durant les élections de mi-mandat en novembre 2010 et il serait intéressant de voir son poids lors des élections de mi-mandat de novembre 2014.
Les principales figures étiquetées « Tea Party » proposent des solutions drastiques (suppression de la sécurité sociale, retrait des États-Unis de l’Onu,…) mais semblent avoir du mal à dissimuler leur ignorance des affaires du monde. Un contraste évident avec des figures comme Barry Goldwater, érudit de la Chine et de l’U.R.S.S., qui a refondé le mouvement conservateur américain dans les années 1960.
Un paradoxe[4] semble apparaître au sein de ce mouvement populiste conservateur : son influence existe comme nous avons pu le voir, et son activisme est remarquablement présent. Le discours du Tea Party permet de mobiliser une partie de l’électorat républicain mais demeure confiné dans une sphère démographique minoritaire qui semble incapable de produire un leader présentable pour l’ensemble de l’électorat lors des élections présidentielles.
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